dimanche 9 décembre 2012

Ma saintélyon


Ma SaintéLyon : Jusqu’au bout de la nuit.


C’est après une petite pasta party au restaurant Le Flore en compagnie de Joëlle, Corinne, Jean-Marie et Cédric que les choses sérieuses ont commencé : Comment qu’on s’habille ???
Pour moi c’est clair l’équipement a été testé 15 jours avant lors de la traversée des crêtes du Jura en nocturne et ce sera donc 2 couches et la veste pluie/coupe vent dans le sac…(je n’en ai pas eu besoin d’ailleurs). On sent que la tension monte, tout le monde commence à entrer dans sa bulle, se concentre, surtout ne rien oublier, le ravito, l’équipement obligatoire etc…

St Etienne : Minuit, 0km, 2224ème



Nous déposons les sacs dans les camions consignes et si tout va bien nous devrions les retrouver à Lyon au petit matin. L’heure du départ approche, nous nous rendons dans le sas de départ et attendons le coup de feu qui nous libérera enfin.

Il est minuit les petits… la chanson de U2 retentit (light my way) et les fauves sont lâchés près de 12500 coureurs, frontales allumées, déferlent dans les rues de St Etienne.
Nous décidons Cédric, Corinne et moi de faire le départ ensemble… nous partons sur un bon rythme en essayant de ne pas se perdre au milieu de tout ce monde. Cédric gère l’allure, on tourne sur une base de 5min30 au kil tout va bien.



Dans la montée de Sorbier les premières difficultés arrivent et par la même occasion les premières plaque de verglas et les premiers passages dans 20cm de neige. Cédric est très à l’aise et double pas mal de monde, j’ai un peu du mal à suivre car je reste souvent bloqué par des concurrents plus lent.



Nous arrivons dans la première descente km 10, et là c’est le drame !!! Première grosse gamelle mon épaule a ramassé comme jamais… ca fait très mal, un concurrent m’aide à repartir… la course va être longue surtout que je viens de perdre Corinne et Cédric.
J’accélère pour revenir sur eux, Cédric se rend compte que je ne suis plus là et s’arrête pour m’attendre (il est cool mon pote !) je l’entends crier « John…John… !!! » au milieu de tout le monde, ça m’a fait bien rire sur le coup. J.

Le trio est donc reformé mais Cédric continue à doubler beaucoup de monde et j’accuse un peu le coup de ma chute j’ai besoin de reprendre un peu mes esprits et je n’arrive pas à suivre… j’en profite pour m’arrêter et faire une pause pipi… 2min de perdus dans l’histoire mais je repars sur un bon rythme les jambes sont là dans cette montée vers St Christo ça fait du bien… je décide de pas m’arrêter à ce premier ravito. Et je pense à ce moment que je vais revenir sur le duo : Corinne et Cédric.



St Christo en Jarez : 1h44, 16km, 1491ème

Corinne et Cédric se sont arrêtés au ravito et m’attendent alors que je viens de tracer direction Sainte Catherine. Le Topo est donc le suivant, j’accélère pour essayer de revenir sur eux alors qu’ils sont derrières moi… ca peut durer encore longtemps comme ça…
La course n’est pas désagréable, les chemins sont bien enneigés, du coup ça ne glisse pas trop et la forme est bonne, je prends du plaisir et double pas mal de monde. Beaucoup de coureurs râlent, il fait froid ils sont frigorifiés, ils avancent pas dans toute cette neige, il faut dire qu’on s’enfonce jusqu’au genou à certains endroits. Moi je me sens bien alors j’en profite et je double pas mal de monde. Je tente d’apercevoir mes deux compagnons d’aventure un peu plus loin devant mais personne à l’horizon (normal en fait ils sont derrière).  Une longue descente nous amène au ravito de St Catherine. Il tombe à pic celui-là.



Ravito de St Catherine : 3h15, 28km, 1220ème

J’arrive en très bonne forme à St Catherine je prends le temps de me ravitailler la course est encore très longue… Le thé bien chaud me fait beaucoup de bien il fait -5°C dehors.
Je regarde un peu partout pour essayer de retrouver Cédric mais personne en vue, je l’imagine déjà bien loin devant… le temps de faire le plein de la poche à eau et je ressorts aussitôt il y a beaucoup trop de monde.
Je reprends le chemin direction St Genoux, j’appréhende déjà la célèbre descente du bois d’Arfeuille le sol est gelé, la route est très glissante, les coureurs tombent les uns après les autres. Le bois d’Arfeuille en tant normal est très redouté par les coureurs, mais là ce n’est plus un chemin c’est une piste de bobsleigh certains coureurs sont à terre et attendent les secours ça fait peur…
On descend au ralenti, le moindre faux pas et c’est la chute assurée, tout le monde s’accroche à ce qu’il peut, arbres, rochers, branches… et même à d’autre concurrents.
Un gars est assis par terre il est en train de vomir ses trippes. Il n’a pas l’air dans son assiette le bonhomme.  Pour moi tout se passe bien de ce côté là, je respecte mon protocole avec un gel ou une barre de céréale par heure de course et ça à l’air de me réussir.
Je passe finalement sans encombres et je file vers le ravito de St Genoux km 35 la mi-course.


Ravito de St Genoux : 4H39, 35km 1239ème

D’habitude c’est la fin de course pour moi, là je suis qu’à mi-parcours, ça commence à faire mal un peu partout mais ça va, je ne suis pas encore très entamé… je trouve quand même le temps long. J’essaie de ne pas trop rester au ravito car il fait chaud et ça ne donne pas très envie de repartir… je remplie la poche à eau et je mange un peu, un bol de thé et je ressors en trottinant direction Soucieu en Jarrest.
Je sais que le profil de la course est plutôt descendant depuis St Catherine mais la partie entre St Genoux et Soucieu comporte une petite nouveauté le bois de la Dâme avec ses 2 descentes techniques et ses 2 montées. Elles vont me faire très mal aux jambes les kilomètres ne défilent pas très vite, je ne cesse de me répéter : « si seulement Cédric pouvait être là… ».  Je commence à faiblir et le moral en prend un coup…je pensais qu’en descendant on trouverais des chemins et des routes moins gelés mais c’est loin d’être le cas. Ça continue de glisser les appuis sont fuyant et je prends une seconde belle gamelle, pas de bobo cette fois, mais les fesses dans la boue c’est pas agréable…



On découvre de superbes points de vues sur les villes et villages environnants, l’effet est vraiment sympa, on coure au beau milieu de la nuit alors que tout le monde dort bien au chaud, au creux de leur lit… A ce moment ça fait rêver… mais bon personne ne m’a forcé à venir alors je peux m’en prendre qu’à moi même…
Ça commence vraiment à faire mal surtout aux articulations, genoux et chevilles crient au secours, mais il faudra tenir encore quelques kilomètres, quelques heures…

Ravito de Soucieu : 6H20 de course, 47km. 1312ème
 « Ben moi je suis soucieux de n’être qu’à Soucieu… » Les premières têtes décomposées sont visibles, des coureurs sont allongés sous des couvertures de survie. Il ne fait pas bon rester là trop longtemps… une soupe, du thé chaud, quelques biscuits salés et c’est repartie direction Beaunant, synonyme de dernier ravito, de dernière étape. Allez une vingtaine de kilomètres c’est quoi ??? Rien du tout (j’essaie de me rassurer là en fait) mais ça ne marche pas vraiment… c’est indéniable les kilomètres défilent beaucoup moins vite.  Ma foulée est beaucoup moins aérienne on y va à l’économie. Je sens quand même que je suis capable d’aller au bout, je ne suis pas dans le rouge, je n’ai pas de gros bobos, aucune crampe en vue, même les quelques côtes qui se présentent ne me font pas peur, ni vraiment mal aux jambes… Alors tout va bien on continue à avancer c’est bien là le principal.

On descend maintenant direction le Garon, la route est toujours aussi glissante, je suis prudent mais le risque est bien là surtout avec la fatigue qui se fait de plus en plus présente. Nous passons devant une ambulance arrêtée à une intersection, à priori un coureur est blessé, je passe mon chenin et alors que la descente se fait plus technique et plus raide encore j’enregistre ma 3ème grosse gamelle, l’épaule touchée lors de la première chute ramasse une seconde fois, un gros choc, ça fait très mal, je ne parviens pas à me relever tout de suite. Je pense pour la première fois à l’abandon. Je sens que l’épaule a claqué vraiment fort sur le sol il y a quelque chose qui ne va pas. J’ai beaucoup de mal à la bouger. Un coureur me propose de m’accompagner à l’ambulance croisée un peu plus haut mais je refuse et le remercie. Je ne parviens plus à bouger le bras et chaque mouvement me fait un mal de chien. Mais je suis à 23 km de la ligne d’arrivée je ne peux pas abandonner après tout ce chemin… Je cale mon bras dans la bretelle du sac et je continue ma route. Ca fait mal mais ça ne m’empêche pas de courir, enfin de marcher car à ce moment là je suis K.O. et je n’arrive pas à relancer la machine, c’était la chute de trop, elle arrive vraiment au mauvais moment. Je sens que finir va être compliqué, de plus en plus compliqué. J’essaie de me motiver en me disant que le prochain ravito n’est plus très loin. Essayer de rejoindre le prochain ravito voilà mon nouvel objectif, et faire le point une fois la bas. Il restera alors 11km pour passer la ligne d’arrivée. Le soleil s’est levé à présent, j’éteins ma frontale, la neige tombe de plus en plus fort et commence à tenir sur la route, mince moi qui pensais pouvoir finir tranquillement sans la crainte de finir encore une fois à terre et bien c’est raté, il va falloir être vigilant jusqu’au bout.

Ravito de Beaunant : 8h16, 59km, 1458ème.
Je suis cramé mais maintenant je sais que je vais finir, j’en profite pour m’asseoir un peu pour la première fois depuis le départ de la course, manger et boire un grand bol de thé. Allez, c’est maintenant la dernière ligne droite, l’ultime étape qui nous emmène à Gerland. J’ai la certitude à présent que je vais être Finisher de cette superbe course, mais je sais que ces 10 derniers kilomètres vont être terribles, pour le corps mais aussi dans la tête. Tout le monde m’a prévenu avant le départ, les derniers kilomètres dans Lyon sont interminables.
On attaque direct la côte de St Foy avec ses passages à 20%, tout le monde marche et ça passe plutôt pas mal. Je sais que relancer en haut de la côte va faire très mal, je ne suis pas sûr de pouvoir courir en haut de cette côte mais j’avance en marchant à un bon rythme. Arrive enfin le haut de la côte et là surprise, ben ca ne descend pas tout de suite, il va falloir relancer sur un faux plat montant, je serre les dents et me remets à courir comme je peux, la tête dit oui mais le corps ne veut plus… c’est assez bizarre comme sensation.
 Je parviens à basculer dans la descente, cette ultime descente qui nous ferra rentrer dans Lyon. Mais même dans les descentes je n’avance plus. Il reste à présent 7kms dont les 5 derniers le long des quais de Saône. Les gens nous applaudissent, les voitures klaxonnent, ça fait du bien, ça remonte le moral, mais ces longues lignes droites le long de la Saône sont interminables. L’organisation n’a rien trouvé de mieux que d’indiquer le kilométrage restant. « Arrivée 4km ». Ca n’avance vraiment pas vite. Je crois même que j’ai enregistré un 18 min au kilomètre, je suis mort je ne peux plus courir… j’alterne 30 sec de course 1min de marche ce sera mon allure sur les 5 derniers kilomètres. Il n’y a pas photo il me manque de longues séance d’endurance dans mon plan d’entrainement et là je suis en train de le payer cher. Le parcours zigzague entre les ponts de Saône, pour ne rien arranger j’ai maintenant l’impression que le parcours nous fait tourner en rond, on tourne à droite, on tourne à gauche, je suis à la recherche du stade Gerland mais rien en vue.




 On peut lire un panneau : « photo dans 100m » et plus loin « votre dossard doit être visible » alors moi j’ai eu le temps entre les deux panneaux de me refaire une beauté vu mon allure Hypersonique… je suis en train de me dire que si la photo est floue c’est vraiment que le photographe est mauvais, clic, clac c’est dans la boite, c’est bon je peux me remettre à marcher… oui oui j’avoue j’ai couru que pour la photo…



Et après un dernier virage voilà enfin le panneau arrivée 500m. Comme par magie je n’ai plus mal nulle part, je parviens à courir presque normalement, ça y est je l’ai fait, je suis en train de boucler mon premier ULTRA. Et surgit enfin la ligne d’arrivée après 9h52 de course, quel soulagement de passer sous cette arche, je suis un peu comme perdu, je suis à l’ouest… J’essaie de trouver Cédric, Corinne ou encore Joëlle parmi toute cette foule. On me remet mon t-shirt de Finisher, je suis fier et content d’être allé au bout de cette course, au bout de moi même. Cédric me félicite et m’annonce son abandon à st Catherine, je n’en crois pas mes oreilles, moi qui l’ai imaginé devant moi durant toute la course… Dommage qu’on n’ait pas pu finir ensemble.





Une petite vidéo




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